La Honte et la Rage d’un Philosophe
Dans le magazine Nouvel observateur, le philosophe franco-israélien, Daniel S Milo, signe une tribune intitulée : « J’éprouve de la honte pour ce que fait mon pays Israël ». Ce cri de rage d’une lucidité blessée, nous interpelle : « La lucidité n’est-elle pas la blessure la plus rapprochée du soleil ? », selon René Char.
Pour celui qui sait lire entre les interstices des mots, il y a dans cette tribune, les tourments d’une conscience écorchée vive. L’auteur réalise que l’État auquel il a juré fidélité est en train de sombrer, dans une guerre des plus nauséabondes.
Le philosophe, avec une perspicacité mordante, relève que cette guerre menée par une « armée médiocre », selon ses propres termes, n’a d’autres motivations que « La vengeance pure ». « Si j’avais le droit de n’emmener qu’un mot sur une île déserte, ce serait Honte. »
La honte tient donc le haut du pavé ? Comment l’expliquer ? Est-ce un sentiment de culpabilité ? Pour y voir clair, décortiquons cette « vengeance », puisque c’est elle la mère nourricière de cette honte.
L’envers d’un décor étincelant
Interrogeons d’abord le subconscient d’un homme qui a honte. Il est certes philosophe, mais surtout juif et israélien. Le fait qu’il soit acquis aux idéaux de la modernité, n’arrange nullement les choses, puisqu’il ne peut qu’entrer en conflit avec le messianisme d’une architecture mentale israélienne qui dicte sournoisement que la vengeance doit se traduire par la « Loi du talion ». Celle-là même recroquevillée derrière un décor illusionnant.
Le professeur est révolté. Une telle loi du talion n’a pas sa place dans un État de droit, sortir ce résidu de ses cavernes et l’introniser chef d’orchestre est une régression civilisationnelle effrayante et honteuse.
Comment expliquer cela ? N’en déplaise à l’anthropologue obsédé par les spécificités des contextes évolutifs. Il y a des catégories religieuses qui traversent les siècles. La combinaison d’un certain nombre de facteurs concourt à les imposer comme règles intangibles, puisqu’elles régénèrent une identité jalouse à l’excès de ses prérogatives de suprématie.
Est-ce cette référence religieuse qui est à l’œuvre à Gaza sous forme de « loi du talion » ? Ceci pose un problème. Cette loi consiste à administrer au coupable, l’identique punition, pour ce qu’il a infligé comme mal. C’est le fameux œil pour œil, dent pour dent. La réciprocité rigoureuse entre crime commis et peine infligée est la base incontestable d’un égalitarisme loué par l’Ancien Testament, comme par le Coran qui affirme walakom fi laqassasi hayatun.
En effet, une telle loi du talion est encensée par les livres sacrés, puisqu’elle correspondait à un stade d’évolution de l’humanité, invitant à tourner la page des instincts primitifs dictés par une jungle déchainée et féroce.
Une régression déshonorante
Mais, c’est là où le bât blesse. Israël n’est pas dans cette réciprocité égalitariste qu’impose la loi du talion. Israël se situe par contre dans une régression déshonorante. Sa guerre l’installe dans la brutalité déchainée et primitive, qui a prévalu avant la loi du talion. Sa guerre d’un autre âge se poursuit sans d’autres horizons que le déchiquetage des enfants et la famine. Cette guerre nous révèle qu’elle témoigne de cette animalité sauvage qui a régné avant l’instauration de la loi du talion.
Et c’est là que réside la honte du philosophe et des juifs qui voient leur statut métamorphosé, de précurseurs de la lumière à quelque chose qui souille et l’image et l’honneur. Ces hommes et ces femmes constatent de visu qu’Israël crache sur la modernité et enjambe allègrement les millénaires pour retrouver la nature crûe et féroce de l’homme primitif !!!
On ne peut que s’interroger : comment, en plein XXIe, de telles survivances désuètes refont surface ? Ce sont ces survivances primaires qui suscitent cette honte, que ressent ce professeur, et ses coreligionnaires qui ne peuvent tolérer, que le souffle immortel de leur patrimoine soit ainsi piétiné de fond en comble, par une bigoterie génocidaire.
Pour conclure, méditons cette profonde parole du Professeur Israël SHAHAk, survivant de l’holocauste, qui nous dit : « Nous, les juifs, hier, nous avions peur des nazis. Aujourd’hui, nous avons honte d’Israël. »