
Le poison de Trump et le messianisme sioniste
Jason Stanley, Professeur de philosophie à la prestigieuse Yale University, analyse la politique de Trump et s’arrête sur l’éducation, sur le système judiciaire, soumis aux coups de boutoirs d’une politique qui vise à miner les assises d’une philosophie démocratique et paver la voie à la cupidité tyrannique d’un capital déchainé.
L’éducation et le système judiciaire ne sont-ils pas la base architecturale de la démocratie ? Mais, le professeur attire notre attention sur un autre acteur trop discret, mais dont le rôle est de premier plan, à savoir l’Histoire. Cette même histoire qui subit, en ces temps-ci, les assauts des mystifications bigotes les plus incultes !
Comment aborder le conflit israélo-palestinien sans inviter l’histoire à la table des négociations ? Lui tourner le dos, c’est s’embourber dans la boue du mensonge ! La cause palestinienne est-elle autre chose que le calvaire historique d’un peuple ? Est-ce autre chose que l’année fatidique 1948 et l’enclenchement d’un processus d’une colonisation d’un autre âge ?
Quand l’histoire bégaie
L’histoire bégaie quand la fiction substitue au réel sa propre représentation ! Voilà ce qui nous incite à distinguer une histoire palestinienne, où les faits sont convoqués dans toute leur nudité, pour retracer les contours d’un droit bafoué. Alors que, de l’autre côté de la barricade, c’est l’histoire instrumentalisée en vue de légitimer une suprématie afin de dominer, coloniser, génocider et j’en passe.
Que vaut une histoire réduite à une Fatwa, à une justification politico-religieuse ? Face à un tel messianisme lugubre qui ne célèbre que la mort, allons-nous reprocher au Palestinien de se réfugier dans sa civilisation intérieure qui constitue sa source de résistance ?
Quand la mémoire est lourde de ses gémissements, comment aborder un conflit civilisationnel sans s’arrêter sur l’interaction entre l’histoire et l’homme ? Comment affronter une géopolitique sans aborder les facteurs qui l’ont façonnée et refaçonnée ? Comment débrouiller une actualité sans questionner ce passé que cette même actualité rend encore plus vivace ?
Si le passé est là, lourd de ses besaces, pourquoi donc ne pas le secouer pour se figurer une autre image d’un autre avenir possible ?
Tordre le cou à l’histoire
Trump arrive à point nommé, non pas pour secouer l’histoire, mais pour lui tordre le cou. Ce « génie » aux allures d’Ubu Roi nous promet des jours ensanglantés, puisqu’il veut tout remodeler selon ce que dictent ses caprices fantasmagoriques.
L’histoire rit aux éclats, ses méandres escarpés regorgent de ces mégalomanes que le destin a projetés un jour sur les devants de la scène. On sait comment ils ont fini et on se demande comment finira cet homme investi de la mission sacrée de rendre à l’Amérique sa grandeur usurpée par une démocratie perverse !
Cette mission divine se ressource dans le temple sacré de l’arche d’alliance. C’est de cette terre bénie que Dieu a extrait l’argile qui constitua Adam ! Israël est donc le sanctuaire, jouissant de la bénédiction élective. C’est la main armée du capital et de la volonté divine.
Les satrapes embrigadés
De leur côté, les dirigeants arabes sentent l’histoire se dérober sous leurs pieds. Ils doivent trembler, en signant la fameuse normalisation, prélude à l’embrigadement de ces satrapes qui doivent s’estimer honorés de voir leur richesse dévolue à l’héritier légitime, le seigneur israélien !
Ces desseins naïvement idéologiques, ne tiennent nul compte de la complexité et l’engrenage de ces sables mouvants, d’un Moyen-Orient ivre d’ambitions contradictoires, de dignité blessée, de droit usurpé, de frustrations inextinguibles et qui recèle de surcroit, un courage arabe doublé d’un sens de sacrifice indomptable.
Depuis le 7 octobre, l’histoire est en pleine intifada ! Les deux thèses qui s’entredéchirent sont criantes : l’une ne jure que par le droit international, l’autre s’en moque et ne jure que par la Torah et le grand Israël du Nil à l’Euphrate.
La vulgarité insulte l’histoire
Trump verse son obole de poison dans cet océan sioniste de messianisme. C’est cela qui promet fortune et domination ! Allez y dire à Trump que cela constitue une régression vers l’oligarchie, le colonialisme et l’apartheid. Pour lui, ces termes barbares ne sont que charabia et balivernes !
On peut s’autoriser des idées simples, mais intelligentes, or les idées de Trump sont surtout simplettes et partielles. Rien n’illustre cela que sa phrase lapidaire : « On parle d’un million et demi de personnes et on nettoie juste tout ce truc. » Une telle vulgarité insulte l’histoire. Or, l’histoire se venge quand elle est insultée.
Serions-nous étonnés si un jour l’histoire ne se rappelle que de l’agent immobilier ? L’histoire, c’est de la dynamite qu’il ne faut surtout pas manier avec désinvolture.
Ce bousculeur de l’histoire, ce pourfendeur de la géopolitique, risque de se retrouver vomi par la géopolitique et surtout réduit à n’être qu’un laisser pour compte de l’histoire.