
Ivresse suprématiste et déchéance morale d’Israël
Comment expliquer ce sursaut d’honneur des dirigeants européens, condamnant sans équivoque la guerre d’Israël à Gaza ? Stigmatisant « le langage odieux », évoquant une « responsabilité du gouvernement israélien qui agit en dehors de la légalité internationale ». Il s’agit donc d’un État voyou ! Nos dirigeants ont-ils mangé du lion ? Qui aurait osé une telle audace à l’encontre du temple sacro-saint ?
Nos héros vont encore plus loin. Ils intiment l’ordre à Israël de stopper illico ses opérations militaires et de reprendre la distribution de l’aide humanitaire. Le ministre des Affaires Étrangères. Jean-Noël Barrot tonne et détone, en déclarant : « La violence aveugle fait de Gaza un mouroir, pour ne pas dire un cimetière. »
S’ensuit un ton franchement menaçant : « Nous ne resterons pas les bras croisés, si Israël ne met pas un terme à ses actions scandaleuses, nous prendrons d’autres mesures concrètes en réponse. »
L’État palestinien est arboré, non pas comme l’habituel chiffon rouge, mais parce qu’aujourd’hui, il fait office de digue face à ces horreurs qui n’ont de cesse de saper les fondements mêmes d’un ordre patiemment brodé.
Cette vaillante civilisation judéo-chrétienne n’est-elle pas vivement secouée ? Et voilà qu’une conscience sort de sa léthargie après une longue nuit d’un silence assourdissant ? Un silence qui s’apparente à une lâche complicité ?
Nous savons très bien que notre espoir a toujours été de miser sur une évolution riche de ses perspectives prometteuses.
En effet, l’évolution pave sa voie à l’inattendu. La guerre immorale à Gaza apparaît comme l’épicentre d’un ensemble d’enjeux : écraser une population, c’est écraser les droits de l’homme. Déchiqueter des enfants, c’est laminer éthique, valeurs et morale. C’est ouvrir la boite de Pandore pour que les maux se propagent à travers monts et vallées.
C’est le triomphe insolent du capital, du pillage sans vergogne, du vol qualifié de la terre. Bref, c’est la victoire impudente de la suprématie et son lot de mépris génocidaire à l’égard de l’inexorable altérité.
Non, ce ne sont pas les «Douze hommes en colère ». Non, cette fois-ci, ce sont des chefs d’État. Nous espérons qu’ils soient en colère parce qu’ils réalisent que toute leur civilisation est en train de sombrer sous les coups de boutoir d’une armée immorale et déchaînée. Tout un tas de conquêtes précieuses de l’esprit sont au bord d’un précipice. Tout un tas de réverbères fauchés. Toute une humanité de l’homme lâchement piétinée.
On redoutait un islamisme fascisant, mais on réalise que celui-ci n’est qu’un avorton difforme par rapport au rouleau compresseur sioniste.
Nétanyahou ne réalise nullement le décalage avec la civilisation démocratique, ni la fracture béate avec la communauté internationale. Il est toujours dans sa petite bulle narcissique. Au lieu de méditer la gravité des enjeux, il lance l’opération militaire baptisée « Chariot de Gédéon », comme pour consommer la rupture avec la sacralité de la vie humaine et renouer avec une sacralité caverneuse. Ce pauvre « Chariot », n’est rien d’autre qu’une légende de l’Ancien Testament. Ceci en dit long sur une ghettoïsation mentale qui n’écoute que ses fantasmes tribaux, lui intimant l’ordre d’exterminer AMALEK !
Il est vrai que l’ivresse biblique engendre hallucination euphorique. Ainsi, Israël, en plein nettoyage ethnique, ne réalise pas qu’il se livre à une double corvée : d’abord son autodestruction comme patrimoine inestimable et ensuite la déconnexion de tout lien organique avec le droit international.
Quel est le chef d’État qui se respecte et qui voit, d’un bon œil, la loi de la jungle se substituer à l’ordre juridique international, né en réaction à la barbarie mère, celle de l’ordre nazi ?
Tous ces éléments se sont combinés pour que la loi du silence soit rompue. Mais, une question se pose avec insistance : ces dirigeants ont-ils le courage d’aller au-delà de leur engagement, bien que trop tardif ? N’ont-ils pas le vent en poupe, puisque leurs opinions publiques sont chauffées à blanc contre cet État génocidaire ?
Une chose est certaine, l’évolution dont on a parlé est à l’œuvre. Et elle va inexorablement crescendo. Pour la simple raison qu’il y a la présence d’un peuple. S’il y a retournement de l’opinion et si Israël patauge dans le bourbier de la déchéance morale, c’est grâce à la lutte acharnée d’un peuple qui résiste, ongles et crocs, pour ne pas abandonner sa terre. Une terre, qu’il n’a jamais cessé d’irriguer les racines de ses oliviers avec son propre sang.
C’est le peuple palestinien qui a dénudé Israël jusqu’à dévoiler son intimité la plus hideuse.
Une image dans la boue ! Il est vrai qu’Israël a joué le jeu en donnant tête baissée dans le traquenard, tendu par le destin d’un peuple qui a eu le malheur de se trouver confronté à ses épines vénéneuses. Le génocide annonce un double deuil : le deuil du peuple palestinien qui compte ses innombrables morts, mais il a la compensation d’entrevoir un autre lendemain qui se profile. Mais qu’en est-il du deuil de la suprématie Israélienne ? C’est une légitimité et une aura qui s’effondrent, une immense sympathie qui s’effiloche et un avenir qui s’assombrit. On a beau scruter les horizons, il n’y a qu’exil et errance qui se profilent à l’horizon !