
Gaza chamboule l’univers
La guerre à Gaza, est-ce un pavé dans la mare ? Plutôt un astéroïde qui frappe notre pauvre planète. Que de vérités étouffées sont remontées à la surface ! Que de cruautés ethnocides étalées dans toute leur obscénité ? Que de grands médias se sont révélés bonimenteurs. Toute une chape de plomb est vivement secouée.
Gaza chamboule l’univers ! Mais, par quel miracle a-t-il réussi une telle prouesse ? C’est simple, Gaza a entamé une pérégrination à travers le monde, emportant ses balluchons contenant ses plaies gangrénées, ses enfants déchiquetés, sa dignité affamée et assoiffée. Exhibant toutes ces horreurs dans toutes les villes. L’accueil solidaire qui lui est réservé est à la mesure de l’immense tragédie. Des manifestations immenses jaillissent pour exprimer colère et indignation. Toute une humanité horrifiée éclate en sanglot.
Le monde désigne du doigt crime et criminel, mais celui-ci s’en fiche, il continue de se repaître de sa proie, exposant sans vergogne sa face perfide, sa nature bigote et ses colonies d’un autre âge. Projetant ainsi le portrait d’un Israël que nous redécouvrons stupéfaits et terrifiés !
N’étions-nous pas roulés dans la farine, par ce rouleau compresseur, qu’est la machine de propagande sioniste ? Celle-là même qui nous a abreuvé de ses auto-louanges, si ressassées qu’elles deviennent une doxa irréfutable.
Et les interrogations fusent : comment cet État qui jouit d’une sympathie universelle se fait harakiri, en sautant pieds joints dans le marigot de l’infâme ?
Aujourd’hui, l’exécration qu’il inspire n’est nullement de la haine, mais plutôt la réaction d’une humanité dont l’honneur est souillé. Cette humanité ne sait comment retrouver une lucidité qui l’éclaire face à un obscurantisme dont l’islamisme n’est que l’enfant du chœur.
Comment Israël, en lieu et place de ses racines spirituelles, a-t-il opté pour la loi de la jungle ? Comment une foi millénaire fort enrichissante soit instrumentalisée pour reproduire ce même holocauste de sinistre mémoire ?
Le sens de la civilisation est questionné, les dangers du retour de la bête immonde suscitent frayeur et prostration. Ces assauts sauvages bombardent sans cesse une population civile qui n’a même plus où se réfugier. Recueillant le plus souvent, en guise d’une tranche de pain, une balle dans la tête ou une balle ciblant les parties génitales des hommes !
Qui nierait que cela relève de la férocité, d’une inhumanité dégénérée ? Un ministre israélien a qualifié les Palestiniens d’animaux ! L’avait-il affirmé pour marquer de la distance avec une animalité lui dictant sa loi ? N’ayant d’autre échappatoire que de la recoller sur la figure de l’ennemi, qui ose réclamer sa patrie usurpée ? Ce ministre avait-il l’intuition que sa démocratie de pantomime asservit la raison pour en faire le tremplin de la bestialité immorale ? Pour y voir clair, n’avons-nous pas besoin de conscientiser l’inconscient ?
Grâce à Israël, nous réalisons que nous sommes toujours dans l’âge des cavernes, que cette modernité dont nous nous targuons n’est que poudre aux yeux des gogos que nous sommes, puisque nous nous laissons embrigadés comme des néophytes. Israël ne nous rappelle-t-il pas au quotidien que l’homme de Néandertal est toujours là, en embuscade, pour régler son compte à l’Homo sapiens ?
Il est fort significatif que ces grands esprits qui dénoncent le mal soient souvent juifs. Leur révolte est cruciale, ne voient-ils pas leur héritage sombrer sous les décombres, côte à côte avec les enfants émiettés de Gaza ? Ils réalisent qu’Israël n’est pas là pour protéger les juifs, au contraire, il est au service d’une idéologie perverse qui outrage une identité éblouissante.
La grande Hannah Arendt ne s’invite-t-elle pas au débat ? N’est-elle pas là pour nous rappeler le sens de la « banalité du mal » ? Nous enseignant que la banalité du mal se joue des frontières. Qu’elle n’est ni juive, ni musulmane, ni chrétienne, mais plutôt tapie dans les interstices de l’âme de l’homme. Surtout de celui qui n’a pas coupé le cordon avec les cavernes où se nichent ses instincts primaires.
Si le juif est tourmenté, le musulman n’est pas en reste. La solidarité de ce dernier avec ses frères palestiniens s’impose. Mais la fraternité n’en est pas une, si elle se limite au patriarcat ! Voilà pourquoi le génocide enclenche une déchirure de l’âme musulmane, un pacte sacré est battu en brèche, un horizon commun est assombri.
Comment ne pas se sentir exilé dans un no man’s land ? Le musulman démocrate a toujours considéré l’israélien comme un cousin égaré, ensorcelé par la magie d’un occident hypocrite, qui lui fait aujourd’hui les yeux doux, alors que juste hier, il le massacrait impitoyablement. Cependant, le musulman n’a jamais perdu l’espoir de revoir cet Israélien égaré, revenir au bercail familial sémite.
Ensemble, n’avions-nous pas inventé l’écriture alphabétique ? N’avions-nous pas fondé les trois grandes religions monothéistes ? N’avions-nous pas libéré l’imagination de l’homme ?
Le génocide à Gaza constitue un point de rupture. L’israélien messianique qui réclame à cor et à cri le grand Israël est l’ennemi juré, ne pas le combattre, c’est tomber dans son piège qui nous promet une déchéance déshonorante. Dès ce moment, la frontière est nette, entre le juif, notre frère et l’israélien messianique, notre ennemi, entre le judaïsme, notre patrimoine commun et le sionisme messianique, notre dégénérescence à nous tous !
Pendant que nous pérorons. Nétanyahou et sa clique arpentent à pas de géant la Palestine embrasée, les décombres fumants dessinent la victoire absolue dont il rêve. Ne s’agit-il pas d’une victoire au goût de l’abject ? Que vaut une victoire absolue, quand elle n’est qu’un fiasco moral absolu ?
Ce fiasco moral frappe à nos portes, pour que nous nous remémorions nos horizons communs. Pour nous rappeler constamment que la clarté de la raison, l’intuition du cœur, les conquêtes précieuses de l’esprit, tout cela, c’est du vent, tant que le droit n’a pas le premier et le dernier mot. C’est ce garde-fou qui est appelé aujourd’hui à préserver l’humanité de ses ténèbres vénéneuses.