Gaza entre Frankenstein et son monstre

« Penser l’évènement pour ne pas succomber à l’actualité ». Voilà ce que nous enseigne Hannah Arendt. Hélas, dans ces circonstances dramatiques, une telle sagesse, salutaire, s’effiloche, laissant place à une véritable prévarication informationnelle. 

Hélas, encore une fois, c’est l’actualité qui impose sa tyrannie. Mais bon Dieu, les journalistes ne sont pas un troupeau de moutons. Ils sont des têtes pensantes. Relater l’événement, en pensant l’événement, est leur raison d’être

Hélas, quand on voit ces stéréotypes, ces sophismes qui se succèdent en rangs serrés. Quand on voit comment on tord le cou à l’information, la phagocyter pour qu’elle se prête à ce commentaire scandaleusement à charge. On se demande si on n’est pas en face d’une tartufferie qui nous révulse ?

Que reste-t-il donc de la crédibilité d’un journaliste qui s’est métamorphosé en porte-parole d’une armée d’occupation ?  Un journaliste qui se déleste de sa lucidité pour se cuirasser et enfiler ces armes létales que lui offre une machine colonisatrice ? Que reste-t-il d’un journaliste qui se transforme en robot dénué de la moindre étincelle de conscience face à une population écrasée sous les bombes ? Un journaliste plein de compassion, à juste titre, envers un enfant israélien pris en otage, alors que « l’autre » enfant déchiqueté par les bombes ou que l’on opère sans anesthésie, parfois à même le sol. Cet « autre » enfant ne mérite pas le qualificatif enfant ! Un rabbin, suffisamment cynique, explique dans une vidéo, citation biblique à l’appui, que ce Palestinien « enfant » aujourd’hui est le terroriste de demain. Ce qui signifie qu’il faut non pas le soigner, mais l’achever !

On n’a d’autre choix que zapper. Mais pour aller où ? La plupart de ces chaines partagent le même souci, le même mépris des faits et des humains. La même indignation sélective. La même allégeance à cet Israël devenu havre de paix menacé par le désert arabe. N’est-il pas la seule démocratie dans la région. Une telle sornette, répétée à tue-tête, enclenche des rires en cascade

L’exil dans l’exil

Nous cherchons, avec une infatigable curiosité, la voix de la raison qui nous redonne un minimum de regain d’optimisme. Hélas, Ces médias ne nous condamnent-ils pas à une sorte d’exil pour que l’on ressente l’avant-gout d’un autre exil infligé à un Palestinien condamné à errer, en dehors de sa géographie et de son histoire ?

N’est-il pas significatif que ce Palestinien, n’est présent que sur ces champs de ruine. Mais jamais invité à témoigner. Il est en effet trop dérangeant. C’est un illuminé à vocation terroriste et il risque de pulvériser une ambiance de courtoise connivence. La projection sur lui est beaucoup plus rentable qu’un échange révélant l’étendu d’un malheur et d’une injustice.

Le comble, c’est quand on invite un militaire pour expliquer, je ne sais quelle tactique ou la solidité de, je ne sais quel tunnel. Mais notre vaillant soldat déborde pour se laisser aller à une pérégrination historique. Nous savons depuis belle lurette que la guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier aux militaires. Mais que dire quand l’histoire, cette vénérable citadelle, est prise d’assaut par un général décoré et paré de ses plus beaux atours ? Imaginons juste un peu le saccage.

Le débat n’est le plus souvent qu’un monologue stérile. La raison en est que souvent ces qualificatifs de « terroriste », de « Tsahal », de « kibboutz progressiste » : toute une sémantique qui plante le décor et crée un préalable incontournable. Une bulle dans laquelle on s’enferme à double tour. Tout autre discours est inaudible. Les clichés, les lieux communs sont appelés à la rescousse pour la recréation d’un imaginaire. 

Le contexte hautement inflammable du conflit : son origine et ses ramifications. Tout cela passe par perte et profit, pour ne pas dire sciemment occulté au profit d’un agenda politico-idéologique où les œillères sont viscéralement dressées, afin que l’on ne voie qu’une vérité, devenue sacrée.

Gideon Levy, la voie d’une fraternité agissante

Que dit Gideon Levy ?

Qu’est-ce qu’on aurait aimé voir ces commentateurs visitant ces lieux d’une autre mémoire ensanglantée. Déambuler à travers ces kibboutz, ces colonies tellement resplendissantes que personne n’en doute qu’elles sont irriguées de larmes, de sang et des souffrances d’un peuple que l’on a réduit à néant.

Qu’est-ce qu’on aurait aimé entendre une voix qui vient rappeler l’évidence, en affirmant haut et fort : « Depuis quand le colonisateur a le droit de se défendre, alors que le colonisé n’a qu’à subir blocus, misère, et condescendance arrogante ? » Qu’est-ce qu’on aurait aimé que l’on écoute ce noble israélien Gideon Levy, qui contre vent et marée arbore haut et fort le message de la paix, de la fraternité agissante et qui nous enseigne courageusement, qu’Israël est la seule puissance occupante dans l’histoire à se présenter comme une victime !

Justement cet Israël, n’est-il pas en train de perdre son âme ?  Qui nierait qu’il est aujourd’hui le pont aux ânes des journalistes. Ainsi, dès que l’on prononce le mot Israël, le pauvre intervenant est saisi de terreur. Il se met à chercher frénétiquement un Arabe pour le désigner à la vindicte. Ce misérable « antisémite couscous » ose tenir la dragée haute à ces guerriers de lumière ! Mais, quelle insolence !

Comment appeler cela sinon un terrorisme intellectuel garrotant sans vergogne, la moindre velléité d’une libre circulation des idées ?

Une mémoire ensanglantée.

Tout cela est dérisoire puisqu’il relève de l’inactuel ? Mais bon Dieu, comment décrire un mal sans évoquer ses origines, sans scruter ses racines ? Hamas est avant tout une mémoire. Un monstre, dites-vous ? J’en conviens volontiers, mais j’aimerais juste poser une question, ne serait-ce que des bouts des lèvres : ne serait-il pas plus pertinent de se pencher sur la genèse du phénomène. Ne serait-il pas de haut intérêt d’interroger ce Frankenstein colonisateur. Qui a créé le monstre ? L’horrible créature n’est quand même pas tombée du ciel pour le simple plaisir de plonger ses ongles et ses crocs dans la chaire de son créateur ?

Éradiquons donc le monstre ! Mais ces éradicateurs de l’apocalypse n’ont-ils pas un minimum de jugeote pour réaliser, que le jour où cet exploit sera réalisé, le monstre renaitra de ses cendres dès le lendemain avec une métamorphose terrifiante : une hydre à multiples têtes, certes invisibles, mais qui poussent inlassablement dans tous les sens, allant jusqu’à s’infiltrer dans les intimités les plus douillettes.

Ce jour-là, on réalisera que l’horreur absolue, dans ce cas de figure, n’est pas dans l’ennemi. Mais, elle est bel et bien dans cette arrogance armée, qui ne s’assigne aucune frontière à sa morgue expansionniste.

Ne serait-il pas plus intéressant de relever ce parallèle entre l’ascension fulgurante de Hamas et la déliquescence d’un projet sioniste qui a mordu la poussière. Ce projet, n’avait-il pas à cœur de faire de son idéal religieux un corpus de lois, jetant les bases d’une théocratie forniquant au grand jour avec l’apartheid ?

Cette bigoterie, nous ne la connaissons que trop, nous l’avons dans le monde arabe, sous forme d’islamisme. Elle porte les mêmes traits khalifaux, qui caractérisent ces grenouilles de bénitier, qui se croient éléphants. Ces Dinosaures d’un autre âge, ne portent-ils pas en eux le désir obscur de leur autodestruction ?

Quel avenir peut-on prédire pour Israël sous le règne de ces bondieusards ? Ces ministres mégalos mythomanes, ces prêcheurs aussi incultes qu’enragés que l’on se demande quel Savonarole les inspirent ?

Le Mufti de Jérusalem face au mensonge

En effet, tant de faits sont dénaturés, sinon occultés sous le poids d’un subconscient qui ne s’assigne plus de limite, à un délire hallucinogène. Sinon, que vient faire le « pogrome » dans ce contexte ? Que vient faire cette accusation infamante d’antisémitisme, tellement galvaudée qu’elle ne suscite qu’indifférence ? Que vient faire ce pauvre Mufti de Jérusalem, dont on a fait le chantre du nazisme ? N’est-il pas lui qui a suggéré à Hitler  » de gazer le juif  » ? Une telle infamie mensongère, une telle allégation manipulatoire, une telle transgression des principes historiques relève de l’abjecte.

Ces fatuités nous indignent. Mais, il est vrai que la masturbation intellectuelle procure une jouissance, certes éphémère, unilatérale, mais ne procure-t-elle pas un apaisement de l’âme ?  Cependant, nous les conventionnels, nous ne cessons de crier sur tous les toits que seule l’extase amoureuse donne de beaux enfants. Ces enfants que nous aimons passionnément, parce qu’ils sont nos enfants. Parce qu’ils sont aussi musulmans, que juifs, que chrétiens, et surtout par ce qu’ils partent dès l’aube à l’assaut de nouveaux horizons, où la justice, la fraternité, la dignité sont reines.

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