Le 7 octobre et la bête immonde
Le 7 octobre, quel chamboulement ! Que de certitudes se sont effilochées ! Un autre monde qui émerge. Rappelons cette image mémorable : à la veille du 7 octobre, Nétanyahou plastronnant devant ses pairs aux Nations Unies, présentant une carte géographique du Moyen-Orient, réaménagée selon ses fantasmes bibliques. Avec le 7 octobre et la guerre abominable qui en a résulté, le mythe et son feu prométhéen n’est plus qu’une colonne de fumée.
Avant cette date, le cri de détresse de la Palestine était étouffé sous le poids de gueulards mégaphones, délivrant un message devenu, à force d’endoctrinement, une doxa irréfutable. Si quelqu’un avait osé la moindre remise en cause de ce mantra, il serait condamné, excommunié, taxé d’antisémitisme primaire. Rejeté hors de la cité vertueuse !
Tout allait pour le mieux, dans le meilleur du monde. La normalisation avançait à grands pas, les Arabes font la queue leu leu, en courbant l’échine, le Palestinien est le bienvenu, à condition de renoncer à son identité, sinon chemin de croix et calvaire assurés !
Que reste-t-il à ce pauvre diable ? Allait-il se résigner à ce rouleau compresseur, qui considère que son appartenance à cette terre n’était qu’un séjour, quoique millénaire, mais parasitaire, donc éphémère ?
Revendiquer le droit au droit
À Gaza, il doit accepter un blocus, le condamnant à une arriération délibérée. Comme il a osé revendiquer son droit au droit, on lui ôte tout droit. Comme il a osé revendiquer son histoire, on le bannit de l’histoire et de la géographie. Et le voilà errant, comme le fut avant lui son cousin, aujourd’hui son bourreau !
Humilié, écrasé, le dit palestinien n’a d’autres choix que de sortir de sa tanière et enclencher l’opération la plus suicidaire, avec le seul objectif : le désir de crever l’œil et l’oreille du monde, pour qu’il voie finalement ce qu’il n’a jamais voulu voir et entendre ce qu’il n’a jamais voulu entendre !
Mais, pourquoi aller massacrer des gens innocents ? Innocents pour moi, pour tout un chacun. Ne faut-il pas se transporter dans le camp de ces damnées de la terre pour constater qu’à partir de leur angle, ils voient nos innocents dans les habilles de colons. Ceux-là mêmes qui se sont emparés de leur terre et qui jouissent de ses bienfaits. Ils dansent, boivent, chantent pendant que les Palestiniens survivent dans l’éternelle misère, incarcérés dans une prison à ciel ouvert.
Sous cet angle, le 7 octobre n’est que l’explosion de frustration, d’humiliation, mêlées à un élan de libération. Alors, acte de résistance ou terrorisme ? Le déchainement des horreurs israéliennes apporte la réponse cinglante : le 7 octobre est un acte de résistance légitime face à une telle potentialité exterminatrice.
Crocs et ongles caverneux
Israël, au lieu d’interroger la justesse d’une cause, tout part à vau-l’eau. Encore une fois, Israël monte sur scène. Nous contemplons, bouche bée, une vénérable vieille dame millénaire se livrant à un striptease indécent, en piétinant de fond en comble ses valeurs juives. Indignés, nous crions haut et fort : descendez de là, cachez-nous ces mamelles asséchées, ces hanches flétries, ces crocs et ces ongles caverneux. Cachez-nous ces obscénités que nous ne saurons voir.
Hélas, rien n’arrête la tragédie : une compagne d’intoxication vient polluer les esprits. Ainsi, une trame narrative voit le jour avec ses concepts clefs. Le 7 octobre est un « pogrom », le mot fait florès et bétonne une évidence devenue incontestable. Tout un contexte de spoliation, de blocus, d’exil est nié au profit d’un récit se basant sur une fiction qui substitue au réel sa représentation idéologisée !
Que reste-t-il de la clarté de notre esprit, quand le mot terroriste danse la farandole avec Pogrom, Shoah, Holocauste ? Toutes ces notions, lourdes de sens, sont vidées de leur substance. Extraites hors du ventre de la bête immonde, qui leur a donné naissance, pour se voir instrumentalisées, remodelées en étiquette gravée sur le front de ce pauvre « terroriste », si phagocyté qu’il est littéralement déshumanisé.
Mais que faire, quand l’invincibilité d’une armée n’est que chimère ? Quand la seule démocratie dans le désert arabe n’est que fascisation rampante ? Quand la filiation mythique à la terre sainte n’est qu’une supercherie justifiant la colonisation ?
Et les questions fusent. Depuis quand une telle férocité ethnocidaire ne sécrète pas son antidote ? Depuis quand un homme consent qu’on lui vole mère, père et rêve ? Depuis quand un homme accepte que les baïonnettes le pourchassent et l’expulsent en dehors de son enfance ?
Ces cavaliers de l’apocalypse
Seule la signature de la paix des braves nous sortirait de ce bourbier. Les Palestiniens rétorquent : comment négocier la paix avec ces cavaliers de l’apocalypse, qui suivent à la trace le catéchisme des pères fondateurs. Dictant que le juif est pétri de grâce divine, alors que l’Arabe n’est qu’un homuncule de basse extraction ? Comment ces mains se serrent, quand l’une est faite de lumière, alors que l’autre est fabriquée d’argile boueuse ?
Quand la profession de foi musulmane enseigne qu’il n’y a de Dieu que Dieu, ces cavaliers qui chevauchent leurs chimères crient, exaspérés : Il n’y a de Dieu que notre Dieu. Ce même Dieu qui, certes, n’existe pas, mais dans son infinie miséricorde, il nous a offert à nous, son peuple élu, la terre promise qui se joue des frontières et du droit international !
Cocteau nous enseigne : « Certaines personnes vivent aveugles jusqu’à ce qu’une vérité leur crève les yeux. » Le 7 octobre est la vérité qui a crevé le rideau sur les yeux et les oreilles de l’univers. Mais, surtout, de la diaspora et du peuple israélien, conditionnés par l’instrumentalisation scandaleuse d’une religion idéologisée, d’un livre sacré transformé en cadastre.
Est-il étonnant que de plus en plus de juifs s’interrogent si la résistance palestinienne ne serait-elle pas la messagère de Dieu ? Envoyée au peuple juif, pour le libérer des affres d’un sionisme piétinant de fond en comble son héritage qui a inspiré toute l’humanité ?